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Arrêté la nuit, porteur d’un pince-monseigneur, en compagnie de rôdeurs munis de fausses clefs.

Dans une lettre au Procureur, il a fait des aveux complets ; mais il dit à présent que, cette lettre, un repris de justice l’a forcé à l’écrire. Et il nie tout.

Le Président. — Quel repris de justice ?

L’accusé. — Je n’ose pas le nommer. Il m’a menacé d’un mauvais coup en sortant, si je parlais.

Le président reste sceptique.

Je transcris mes notes telles quelles. Toutes ne s’appliquent peut-être pas à cette cause en particulier :

… L’accusé qui parle le plus vite possible, par grande peur que le Président ne lui coupe la parole (ce qu’il fait du reste constamment) et qui cesse d’être clair — et qui le sent… le malheureux qui défend sa vie.

L’innocent sera-t-il plus éloquent, moins troublé que le coupable ? Allons donc ! Dès qu’il sent qu’on ne le croit pas, il pourra se troubler d’autant plus qu’il est moins coupable. Il outrera ses affirmations ; ses protestations paraîtront de plus en plus déplaisantes ; il perdra pied.

Le côté chien du commissaire de police, dans ses dépositions ; son ton rogue. Et l’air gibier que prend aussitôt le prévenu. L’art de lui donner l’air coupable.