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Madame Prune et sa bonne occupent au premier les deux chambres à droite ; dans les deux chambres de gauche, parfois on reçoit des voyageurs. Doucement Marceau s’assure que ces dernières chambres sont vides : il tient à la main un couteau à courte lame pointue, qu’il a trouvé dans un tiroir de la cuisine.

Le Président. — Pourquoi aviez-vous pris ce couteau ?

Marceau. — Pour en ficher un coup à la bonne.

Cependant la porte de celle-ci est fermée au verrou ; Marceau s’efforce de l’ouvrir ; mais entendant du bruit dans la chambre de la vieille, il court se cacher dans une des chambres inoccupées. Il souffle la bougie, et comme il se baisse pour poser le bougeoir à terre, le couteau, qu’il avait glissé dans sa veste, par chance, tombe ; et dans le noir, il ne peut plus le retrouver. Quand il ressort sur le couloir, c’est désarmé qu’il se rencontre avec la vieille ; heureusement pour elle, et pour lui.

Madame Prune vient déposer à son tour. C’est une digne et frêle petite vieille de quatre-vingt-un ans ; elle se tient à peine et demande une chaise, qu’on apporte et où elle s’assied, près de la barre.

— J’entends donc craquer chez moi. Je me dis : Mon Dieu ! qu’est-ce que c’est : j’entends craquer. C’est-y la grêle ? Je me lève. J’ouvre la fenêtre sur le jardin ; je ne vois rien. Je me recouche. Voilà les craquements qui reprennent. Je me relève encore. Plus rien. Je me