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Le 27 mars après-midi, doutant si le carreau brisé n’a pas jeté l’alarme, Marceau enfourchait sa bicyclette et retournait à ***, lorsqu’il avisa un morceau de fer-à-cheval sur la route ; il le ramassa, pensant qu’il pourrait s’en servir. J’oubliais de dire que, la veille, il s’était muni d’une bougie, qu’il avait été acheter à Grainville. Donc Marceau s’en fut rôder autour de la maison, s’assura que tout y était tranquille et, je ne sais trop comment, se persuada qu’on n’avait rien suspecté — ce qui était vrai.

L’interrogatoire de l’accusé suffit à reconstituer le crime. Marceau ne cherche pas à se défendre, pas même à s’excuser ; il accepte d’avoir fait ce qu’il a fait, comme s’il ne pouvait pas ne pas le faire. On dirait qu’il s’est résigné d’avance à devenir ce criminel.

Le voici donc, dans la nuit du 27, à pareille heure, qui se retrouve à ***. La fenêtre est restée ouverte, qu’il avait escaladée la veille, par où il rentre dans la salle à manger. Mais comme ce soir-là ses intentions sont sérieuses, il prend soin de refermer derrière lui les volets. Il tient à la main la lanterne de sa bicyclette ; c’est une lanterne sans pied, qu’il ne peut poser, qui le gène et que tout à l’heure, dans la cuisine, il va changer contre un bougeoir. Avec son fer-à-cheval il a forcé la porte. Le voici qui fouille les tiroirs : Onze sous ! Ça ne vaut pas la peine qu’on s’arrête. Il les prendra tout à l’heure en repassant. Il monte au premier.