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II


La seconde journée ouvre elle aussi par une “ affaire de mœurs ”. Le président ordonne le huis clos ; et pour la première fois, appliquant une récente circulaire du Garde des Sceaux, on fait sortir, à leur flagrant mécontentement, les soldats de service. Leur présence, dit cette sage circulaire, ne semble point d’ailleurs le plus souvent indispensable (sic), car la salle est vide, et les gendarmes, en ce qui concerne l’accusé, font une garde suffisante.

Ah ! que ne peut-on faire sortir aussi les enfants ! Hélas ! il faut bien qu’ils déposent : la fillette violée, d’abord ; puis le frère de dix ans, quelques années de plus que la petite. Par pitié, Monsieur le Président, abrégez un peu les interrogatoires ! Qu’avons-nous besoin d’insister ? puisque les faits sont reconnus déjà, que le médecin a fait les constatations nécessaires, et que l’accusé a tout avoué. Le malheureux ! Il est là, vêtu de guenilles, laid, chétif, la tête rasée, l’air déjà d’un galérien ; il a vingt ans, mais