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a bien été oblitéré à l’arrivée comme le prétend Arthur et non au départ, comme le prétend l’accusation, que resterait-il de celle-ci ?

Le Président, n’ayant pas suivi l’argumentation embrouillée d’Arthur, ne comprend visiblement pas à quoi rime ma question ; pourtant il rappelle obligeamment le témoin :

— Vous avez entendu la question de Monsieur le juré. Veuillez y répondre.

L’employé se lance alors dans une profuse explication qui tend à prouver que les heures des départs n’étant pas les mêmes que les heures d’arrivée, il n’y a pas de confusion possible ; que du reste les lettres arrivantes et les lettres partantes ne se timbrent même pas dans le même local, etc. Cependant il ne répond pas à cela seul qui m’importe, et nous ne savons pas plus qu’auparavant si l’on a pu reconnaître sur le fragment de carte si le timbre est effectivement et sûrement un timbre de départ et non d’arrivée. Le témoin cependant a achevé son explication.

— Monsieur le juré, êtes-vous satisfait ?…

Je tâche de formuler une question nouvelle plus pressante que la première ; puis-je dire pourtant que non, que je ne suis pas satisfait ; que le témoin n’a pas de tout répondu à ma question ; du reste, cette question, je sens bien que, non plus que le président, aucun des jurés ne l’a comprise ; du moins aucun des jurés n’a compris pourquoi je la posais. Aucun n’a pu suivre l’argumentation