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être posées) — il serait bon que, au début de la première séance, les jurés reçussent quelques instructions qui pourraient prévenir leur incertitude, leur angoisse et leur désarroi.

On a proposé que la feuille des questions fut remise à chacun d’eux, sur copie séparée, avant l’ouverture de la séance ; cette mesure me parait présenter de sérieux avantages — et je ne vois pas quels inconvénients.

Je proposerais aussi que dans certains cas, un plan topographique fut remis à chacun des jurés, lui permettant de se représenter plus aisément le théâtre du crime : Dans telle affaire d’agression nocturne, où je fus appelé à siéger, la conviction des jurés dépendait uniquement de ceci : l’accusé était-il assez près d’un réverbère et suffisamment éclairé, pour que Madame X, de sa fenêtre, ait pu le reconnaître ? Quelques témoins, appelés à la barre, placèrent le réverbère l’un à cinq mètres, l’autre à vingt-cinq, du lieu précis de l’agression. Un troisième alla jusqu’à prétendre qu’il n’y avait pas de réverbère du tout à cet endroit de la rue… N’eut-il pas été bien simple de faire dresser par la gendarmerie un plan des lieux ?

Monsieur Bergson demande que chacun des jurés soit tenu de motiver et d’expliquer son vote… Evidemment ; mais il ne m’est pas du tout prouvé que le juré le plus malhabile à parler soit celui qui sente et pense le plus mal. Et réciproquement, hélas !