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Monsieur, qu’il y a bien des honnêtes gens en France, qui sont moins heureux qu’eux.

— Dieu l’aura puni, dit la grosse Dame en deuil après un silence méditatif.

— Qui ça ?

— Eh ! le vrai criminel, pardine ! Dieu est bon, mais il est juste, vous savez.

— Ça m’étonne tout de même que le prêtre ait raconté la confession, dit l’autre dame ; ils n’ont pas le droit. Le secret de la confession, c’est sacré.

— Mais, Madame, ils étaient plusieurs qui ont entendu cette confession ; quand il s’est vu mourir, qu’est-ce qu’il risquait ? Il a demandé au contraire qu’on le répète. Il y a sept ans de cela. Vingt-sept ans après le crime. Vingt-sept ans ! pensez. Et personne ne s’en doutait ; il avait continué à vivre, considéré dans le pays.

— Quel crime avait-il donc commis, demande le Monsieur du coin.

— Il avait assassiné une femme.

Moi. — Il me semble. Monsieur, que cet exemple contredit un peu ce que vous avanciez tout à l’heure. Le gros Monsieur devient tout rouge :

— Alors vous ne croyez pas ce que je vous raconte ?!

— Mais si ! mais si ! vous ne me comprenez pas. Je dis simplement que cet exemple prouve que quelquefois un homme peut commettre un crime isolé et ne pas s’enfoncer ensuite dans de nouveaux crimes. Voyez celui-ci : après ce crime il a mené, dites-vous, vingt-sept