Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait commencé comme cela : tout petit enfant, un jour, il a pris une petite pelote de fil dans le panier à ouvrage de sa mère ; sa mère l’a vu et ne l’a pas grondé ; alors, quand l’enfant a vu qu’on ne le punissait pas, il a continué : il a volé d’autres personnes et puis, vous comprenez, il a fini par assassiner. On l’a condamné à mort et voici ce qu’il a dit au pied de l’échafaud. — Elle gonfle sa voix, et mon manteau se couvre de débris de mangeaille. — Pèrres et mèrres de famille, j’ai commencé par voler un peloton de fil, et si cette première fois ma mère m’avait puni, vous ne me verriez pas sur l’échafaud aujourd’hui ! Voilà ce qu’il a dit ; et qu’il ne se repentait de rien, sauf d’avoir étranglé dans un berceau un petit enfant qui lui souriait.

Le gros Monsieur, qui n’écoute pas plus la Dame que celle-ci ne l’écoute, revient à son idée : On ne traite pas assez sévèrement ces gens-là :

— On n’en fera jamais rien de bon ; et du moment qu’on les laisse vivre, il ne faut pourtant pas que ce soit pour leur plaisir, n’est-ce pas ? Naturellement, ces criminels, ils se plaignent toujours ; rien n’est assez bon pour eux… Je connais l’histoire d’un qui avait été condamné par erreur ; au bout de vingt-sept ans, on l’a fait revenir, parce que le vrai coupable, au moment de mourir, a fait des aveux complets ; alors le fils de celui qu’on avait condamné par erreur a fait le voyage, il a ramené de là-bas son père, et savez-vous ce que celui-ci a dit à son retour ? — qu’il n’était pas trop mal là-bas. C’est-à-dire,