Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mort dans un champ, après lui avoir pris le peu d’argent qu’il avait sur lui.

On commence à parler des criminels :

— Ces gens-là, il faudrait les tuer, dit la femme.

— Vous leur donnez des vingt, des trente condamnations, explique mon voisin ; vous les entretenez aux frais de l’Etat ; tout ça ne donne rien de bon. Qu’est-ce que cela rapporte à la société ? je vous le demande un peu, Monsieur, qu’est-ce que cela lui rapporte ?

Un autre voyageur, qui semblait dormir dans un coin du wagon :

— D’abord ces gens-là, quand ils reviennent de là-bas, ils ne peuvent plus trouver à se placer.

Le gros Monsieur. — Mais, Monsieur, vous comprenez bien que personne n’en veut. On a raison ; ces gens-là, au bout de quelque temps, recommencent.

Et comme l’autre voyageur hasarde qu’il en est qui, soutenus, aides, feraient de passables et quelquefois de bons travailleurs, le gros Monsieur, qui n’a pas écouté :

— Le meilleur moyen pour les forcer à travailler, c’est de les mettre à pomper au fond d’une fosse qui s’emplit d’eau ; l’eau monte quand ils s’arrêtent de pomper ; comme ça ils sont bien forcés.

La Dame en deuil. — Quelle horreur !

— J’aimerais mieux les tuer tout de suite, gémit une autre dame.

Mais, comme la Dame en deuil l’approuve, celle qui d’abord avait émis cette opinion, sans doute de cette sorte