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causer quelque étonnement. On s’attendait à plus, à mieux ; devant l’importance de certains détournements, que les jurés se rappelaient l’un à l’autre avant l’ouverture de la séance, les chaparderies reprochées aux prévenus nous paraissent des peccadilles, et l’étonnement cède vite à l’ennui, à la fatigue, et même, pour quelques-uns des jurés, à l’agacement, à l’exaspération, au cours de l’interrogatoire.

Une interminable discussion s’engage pour savoir si trois bouteilles et demi de Cointreau ont été volées par la femme X., ou achetées par elle, ainsi qu’elle le soutient, à la femme B. qui, elle, soutient que la femme X. ne lui a jamais acheté de liqueurs. La femme X. porte un petit poupon dans ses bras qui pleure et voudrait déposer lui aussi.

X., époux de la prévenue, reconnaît s’être approprié “un restant de bouteille de kirsch” ; mais il n’a jamais donné cette paire de chaussettes à Y. ; au contraire, il les a reçues de ce dernier. Quant au service à découper, c’est Z. qui, etc.

X. est bon ouvrier ; il gagne cent sous par jour, plus une indemnité ; il est père de quatre enfants. Sa déposition concorde avec celle de B. qui dit avoir reçu de N. de la moutarde et de M. du café et du thé, du reste en quantités dérisoires : par contre il n’a rien reçu de D. ni de E. Il reconnaît avoir accompagné N. quand il a chipé le pot de moutarde, mais lui-même il n’a rien pris. N. ne fait point difficulté de reconnaître le vol du pot de moutarde.

M. est père de quatre enfants lui aussi ; il avoue le