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achevé ”, est manifestement inspirée par la crainte de Lepic dangereux repris de justice — qui, de même, a cherché à intimider les deux femmes — et qu'il n'y a pas lieu par conséquent de tenir compte de cette déclaration.

 Attendu

Que si Cordier était coupable (du moins dans la mesure qu’on l’a dit) il est hors de vraisemblance qu’il eût cherché à reporter son affaire devant une autre juridiction, comme il a fait lorsque la Correctionnelle du Havre lui a infligé une peine de deux ans.

. . . . . . . . . . . . . . .

L’avocat, obligeamment, m’indique telle modification de forme qu’il croit devoir y apporter, insiste sur le rapport du médecin légiste qui estime que Cordier est “ d’une intelligence au-dessous de la moyenne, qu’il s’exprime avec une certaine difficulté, que sa mémoire lui fait parfois défaut ” et conclut à une responsabilité atténuée. Puis il m’indique la marche à suivre pour la faire signer, approuver du Procureur général et envoyer à qui de droit.

Une sorte de timidité, la crainte aussi de ne rien obtenir en demandant trop, le sentiment de la justice — car malgré tout je ne puis considérer Cordier comme innocent — me détournent de demander le recours en grâce tout simple. Je me rends compte peu après que je ne l’eusse pas plus malaisément obtenu. Plusieurs jurés en effet ont médité sur cette affaire ; la nuit leur a porté conseil ; ils sont prêts à approuver ma requête, et je n’ai point de peine à recueillir les signatures de huit d’entre