Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

desquelles on décida de me mener au médecin.

Le médecin de mes parents, dans ce temps, n’était autre que le docteur Brouardel, qui bientôt devait acquérir une grande autorité comme médecin légiste. Je pense que ma mère n’attendait de cette consultation, en plus de quelques conseils peut-être, qu’un effet tout moral. Après qu’elle eut causé quelques instants seule avec Brouardel, celui-ci me fit entrer dans son cabinet, tandis qu’en sortait ma mère :

— Je sais ce dont il s’agit, dit-il en grossissant la voix, et n’ai besoin, mon petit, ni de t’examiner ni de t’interroger aujourd’hui. Mais si ta mère, d’ici quelque temps, voyait qu’il est nécessaire de te ramener, c’est-à-dire si tu ne n’étais pas corrigé, eh bien (et ici sa voix se faisait terrible) voici les instruments auxquels il nous faudrait recourir, ceux avec lesquels on opère les petits garçons dans ton cas ! — Et sans me quitter des yeux, qu’il roulait sous ses sourcils froncés, il indiquait, à bout de bras, derrière son fauteuil, une panoplie de fers de lances touaregs.

L’invention était trop apparente pour que