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Le sang me monta au visage plus encore, tandis que je gravissais les quatre marches de la chaire, et que mes camarades ricanaient.

Je ne cherchai pas à nier. À la première question que Monsieur Vedel me posa, à voix basse, penché vers moi, je fis de la tête un signe d’acquiescement ; puis regagnai mon banc plus mort que vif. Pourtant il ne me venait pas à l’idée que cet interrogatoire pourrait avoir des suites ; Monsieur Vedel, avant de poser sa question, ne m’avait-il pas promis de n’en rien dire ? N’empêche que, le soir même, mon père recevait une lettre du sous-directeur, l’invitant à ne m’envoyer plus à l’Ecole avant trois mois.

La tenue morale, les bonnes mœurs, étaient la spécialité de l’Ecole Alsacienne, la renommée de la maison. La décision prise ici par M. Brunig n’avait donc rien de surprenant. Ma mère m’a dit plus tard que mon père avait pourtant été outré par cette lettre et par la brusquerie de cette exécution. Il me cacha naturellement sa colère, mais me découvrit son chagrin. Il eut avec ma mère de graves délibérations, à la suite