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la même époque peindra mieux encore l’état larvaire où je traînais.

Mes parents m’avaient donc fait entrer à l’Ecole Alsacienne. J’avais huit ans. Je n’étais pas entré dans la dixième classe, celle des plus petits bambins, à qui Monsieur Grisier inculquait les rudiments ; mais aussitôt dans la suivante, celle de Monsieur Vedel, un brave méridional tout rond, avec une mèche de cheveux noirs qui se cabrait en avant du front et dont le subit romantisme jurait étrangement avec l’anodine placidité du reste de sa personne. Quelques semaines ou quelques jours avant ce que je vais raconter, mon père m’avait accompagné pour me présenter au directeur. Comme les classes avaient déjà repris et que j’étais retardataire, les élèves, dans la cour, rangés pour nous laisser passer, chuchotaient : « Oh ! un nouveau ! un nouveau ! » et, très ému, je me pressais contre mon père. Puis j’avais pris place auprès des autres, de ces autres que je devais bientôt perdre de vue pour les raisons que j’aurai à dire ensuite. — Or ce jour-là, Monsieur Vedel enseignait aux élèves qu’il y a parfois dans les langues