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refrains par quoi sa tante Gancera avait bercé son enfance, devrai-je jusqu’à ma fin entendre la voix grasseyante de Constance me chanter sur un air de valse :

Maman — dis-moi,
Connaissons-nous c’jeune homme,
Qu’a l’air — si doux,
Qu’a l’air d’une boul’ de gomme ?

— Voici bien du bruit pour un inoffensif fredon !

— Parbleu ! ce n’est pas à la chanson que j’en ai ; c’est à l’amusement que j’y pris ; où je vois déjà s’éveiller un goût honteux pour l’indécence, la bêtise et la pire vulgarité.

Je ne me charge point. Je suis prêt à dire bientôt quels éléments en moi, inaperçus encore, devaient rallier la vertu. Cependant mon esprit désespérément restait clos. En vain cherché-je dans ce passé quelque lueur qui pût permettre d’espérer quoi que ce fût de l’enfant obtus que j’étais. Autour de moi, en moi, que ténèbres. J’ai déjà raconté ma maladresse à reconnaître la sollicitude d’Anna. Un autre souvenir de