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de Gribouille en végétal ne fit le petit ignorant que j’étais.

Il y avait aussi, dans une stupide piécette de Madarne de Ségur : Les dîners de Mademoiselle Justine, un passage où les domestiques profitent de l’absence des maîtres pour faire bombance ; ils fouillent dans tous les placards ; ils se gobergent ; puis voici, tandis que Justine se penche et qu’elle enlève une pile d’assiettes du placard, en catimini le cocher vient lui pincer la taille ; Justine, chatouilleuse, lâche la pile ; patatras ! toute la vaisselle se brise. Le dégât me faisait pâmer.


En ce temps venait travailler chez ma mère une petite couturière, que je retrouvais également chez ma tante Démarest. Elle avait nom Constance. C’était un petit avorton au teint allumé, à l’œil fripon, à la démarche claudicante, très adroite de ses mains, de langage réservé devant ma mère, mais fort libre dès que ma mère avait le dos tourné. Par commodité, c’est dans ma chambre qu’on l’installait, où Constance trouvait la plus abondante lumière ; elle restait là des demi-journées, et je restais