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moins par les tableaux anecdotiques, malgré le zèle que dépensait Marie à me les expliquer (ou peut-être à cause de cela même) que par l’image des nudités, au grand scandale de Marie, et qui s’en ouvrit à ma mère ; et plus encore par les statues. Devant le Mercure d’Idrac (si je ne fais erreur), je tombais dans des stupeurs admiratives dont Marie ne m’arrachait qu’à grand peine. Mais ni ces images n’invitaient au plaisir, ni le plaisir n’évoquait ces images. Entre ceci et cela, nul lien. Les thèmes d’excitation sexuelle étaient tout autres : le plus souvent une profusion de couleurs ou de sons extraordinairement aigus et suaves ; parfois aussi l’idée de l’urgence de quelque acte important, que je devrais faire, sur lequel on compte, qu’on attend de moi, que je ne fais pas, qu’au lieu d’accomplir, j’imagine ; et c’était aussi, toute voisine, l’idée de saccage, sous forme d’un jouet aimé que je détériorais : au demeurant nul désir réel, nulle recherche de contact. N’y entend rien, qui s’en étonne : sans exemple et sans but, que deviendra la volupté ? au petit bonheur, elle commande au rêve des dépenses de vie excessives, des