fleurs, dans la prairie qui s’étend par devant le jardin ; je marchais devant elle et venais de traverser le ruisseau ; alors je me retournai : Marie était encore sur le petit pont fait d’un tronc d’arbre, dans l’ombre du frêne qui abrite à cet endroit le ruisseau ; encore quelques pas, et soudain elle fut toute enveloppée de soleil ; elle tenait à la main un bouquet de reines-des-prés ; son visage, abrité par un chapeau de paille à larges bords, ne semblait tout entier qu’un sourire ; je m’écriai :
— Pourquoi ris-tu ?
Elle répondit :
— Pour rien. Il fait beau. — Et la vallée aussitôt s’emplit visiblement d’amour et de bonheur.
Dans ma famille on a toujours tenu très serré les domestiques. Ma mère, qui se croyait volontiers une responsabilité morale sur ceux à qui elle s’intéressait, n’aurait souffert aucune intrigue qu’un hymen ne vînt consacrer. C’est sans doute pourquoi Je n’ai jamais connu à Marie d’autre passion que celle que je surpris pour Delphine, notre cuisinière, et que ma mère, certes, n’eût jamais osé soupçonner. Il va sans dire que