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— Qu’est-ce que vous fabriquez là-dessous ? criait ma bonne.

— Rien. Nous jouons. — Et l’on agitait bruyamment quelques jouets qu’on avait emportés pour la frime. En vérité nous nous amusions autrement : l’un près de l’autre, mais non l’un avec l’autre pourtant, nous avions ce que j’ai su plus tard qu’on appelait « de mauvaises habitudes ».

Qui de nous deux en avait instruit l’autre ? et de qui le premier les tenait-il ? Je ne sais. Il faut bien admettre qu’un enfant parfois à nouveau les invente. Pour moi je ne puis dire si quelqu’un m’enseigna ou comment je découvris le plaisir ; mais, aussi loin que ma mémoire remonte en arrière, il est là.

Je sais de reste le tort que je me fais en racontant ceci et ce qui va suivre ; je pressens le parti qu’on en peut tirer contre moi. Mais mon récit n’a raison d’être, que véridique. Mettons que c’est par pénitence que je l’écris.

À cet âge innocent où l’on voudrait que toute l’âme ne soit que transparence, tendresse et pureté, je ne revois en moi qu’ombre, laideur, sournoiserie.