Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les jours de pluie, confiné dans l’appartement, je faisais la chasse aux moustiques, ou démontais complètement les pendules de grand’mère, qui toutes s’étaient détraquées depuis notre dernier séjour ; rien ne m’absorbait plus que ce minutieux travail, et combien j’étais fier, après que je les avais remises en mouvement, d’entendre grand’mère s’écrier, en revoyant l’heure :

— Eh ! dites-moi, Juliette ! ce petit…

Mais le meilleur du temps de pluie, je le passais dans le grenier dont Rose me prêtait la clef. (C’est là que plus tard je lus Stello.) De la fenêtre du grenier on dominait les toits voisins ; près de la fenêtre, dans une grande cage en bois recouverte d’un sac, grand’mère engraissait des poulets pour la table. Les poulets ne m’intéressaient pas beaucoup, mais, dès qu’on restait un peu tranquille, on voyait paraître, entre l’encombrement de malles, d’objets sans noms et hors d’usage, d’un tas de poussiéreux débris, ou derrière la provision de bois et de sarments, les frimousses des petits chats de Rose, encore trop jeunes pour préférer, comme leur mère, au capharnaüm du grenier natal, la tiède quiétude de la cuisine,