— Pourtant ! vous n’allez pas le laisser mourir de faim ?…
(Pour elle, tout enfant qui n’éclatait pas, se mourait. Quand on lui demandait, plus tard, comment elle avait trouvé ses petits-fils, mes cousins, elle répondait invariablement, avec une moue :
— Bien maigres !)
Une bonne façon d’échapper à la censure de ma mère, c’était de commander à l’hôtel Béchard quelque tendre aloyau aux olives, ou, chez Fabregas le pâtissier, un vol-au-vent plein de quenelles, une floconneuse brandade, ou le traditionnel croûtillon au lard. Ma mère guerroyait aussi, au nom des principes d’hygiène, contre les goûts de ma grand’mère ; en particulier lorsque celle-ci, coupant le vol-au-vent, se réservait un morceau du fond.
— Mais, ma mère, vous prenez justement le plus gras !
— Eh ! faisait ma grand’mère, qui se moquait bien de l’hygiène — la croûte du fond…
— Permettez que je vous serve moi-même.
Et d’un œil résigné la pauvre vieille