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lui dise ? hurlais-je à travers mes sanglots.

— N’importe quoi. Parle-lui de tes cousines ; de tes petits amis Jardinier.

— Mais puisqu’elle ne les connaît pas.

— Raconte-lui ce que tu fais.

— Mais tu sais bien que ça ne l’amusera pas.

— Enfin, mon petit, c’est bien simple : tu ne sortiras pas d’ici (c’était la salle d’études de la rue de M…) avant d’avoir écrit cette lettre.

— Mais…

— Non, mon enfant ; je ne veux plus discuter.

À la suite de quoi ma mère s’enfermait dans le mutisme. Je lanternais quelque temps encore, puis commençais à me torsionner le cerveau au-dessus de mon papier blanc.

Le fait est que plus rien ne semblait devoir intéresser ma grand’mère. À chaque séjour que nous faisions à Uzès pourtant, par gentillesse je crois pour ma mère qui venait s’asseoir auprès d’elle, sa tapisserie à la main ou un livre, elle faisait un grand effort de mémoire et, de quart d’heure en