Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pâques, pour la retrouver d’année en année la même, à peine un peu plus sourde, car pour plus ridée, depuis longtemps cela n’était plus possible.

Certainement la chère vieille se mettait en quatre pour nous recevoir ; mais c’est précisément pourquoi je ne suis pas assuré que notre présence lui fût bien agréable. Au demeurant la question ne se posait pas ainsi ; il s’agissait moins, pour ma mère, de faire plaisir à quelqu’un, que d’accomplir un devoir, un rite — comme cette lettre solennelle à ma grand’mère, qu’elle me contraignait d’écrire au nouvel an et qui m’empoisonnait cette fête. D’abord je tâchais d’esquiver, je discutais :

— Mais qu’est-ce que tu veux que ça lui fasse, à bonne maman, de recevoir ou non une lettre de moi ?

— Là n’est pas la question, disait ma mère ; tu n’as pas tant d’obligations dans la vie ; tu dois t’y soumettre.

Alors je commençais de pleurer.

— Voyons, mon poulot, reprenait-elle, sois raisonnable : songe à cette pauvre grand’mère qui n’a pas d’autre petit-fils.

— Mais qu’est-ce que tu veux que je