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de « Notre Père… » Un étranger s’en fût scandalisé comme d’un irrespect, qui n’eût pas su que ces vieux huguenots gardaient ainsi la tête couverte en souvenir des cultes en plein air et sous un ciel torride, dans les replis secrets des garrigues, du temps que le service de Dieu selon leur foi présentait, s’il était surpris, un inconvénient capital.

Puis, l’un après l’autre, ces mégathériums disparurent. Quelque temps après eux, survécurent encore les veuves. Elles ne sortaient plus que le Dimanche, pour l’église ; c’est à dire aussi pour s’y retrouver. Il y avait là ma grand’mère, Madame Abauzit son amie, Madame Vincent et deux autres vieillardes dont je ne sais plus le nom. Un peu avant l’heure du culte, des servantes presque aussi vieilles que leur maîtresse, apportaient les chaufferettes de ces dames, qu’elles posaient devant leur banc. Puis, à l’heure précise, les veuves faisaient leur entrée, tandis que le culte commençait. À moitié aveugles, elles ne se reconnaissaient point avant la porte, mais seulement une fois dans le banc ; tout au plaisir de la rencontre, elles commençaient en chœur d’extraordinaires