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demeurant je pourrais rester à lire encore s’il me plaisait. — « Mais, dit le vieux, vous permettrez que nous ne dérangions pas nos habitudes — qui ne seront pas pour vous étonner, puisque vous êtes le petit de Monsieur Tancrède ».

Alors il alla chercher la grosse bible que j’avais entrevue, et la posa sur la table desservie. Sa fille et ses petits-enfants se rassirent à ses côtés devant la table, dans une attitude recueille qui leur était naturelle. L’aïeul ouvrit le livre saint et lut avec solennité un chapitre des évangiles, puis un psaume ; après quoi chacun se mit à genoux devant sa chaise, lui seul excepté, que je vis demeurer debout, les yeux clos, les mains posées à plat sur le livre refermé. Il prononça une courte prière d’action de grâces, très digne, très simple et sans requêtes, où je me souviens qu’il remercia Dieu de m’avoir indiqué sa porte, et cela d’un tel ton que tout mon cœur s’associait à ces paroles. Pour achever, il récita « Notre Père » ; puis il y eut un instant de silence, après quoi seulement chacun des enfants se releva. Cela était si beau, si