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grises, un instant papillons légers, puis retombaient un peu plus loin, ternes et confondues, parmi la broussaille et la pierre.

Aux abords du Gardon croissaient des asphodèles, et, dans le lit même du fleuve, presque partout à sec, une flore quasi tropicale… Ici je quitte un instant la guimbarde ; il est des souvenirs qu’il faut que j’accroche au passage, que je ne saurais sinon où placer. Comme je le disais déjà, je les situe moins aisément dans le temps que dans l’espace, et par exemple ne saurais dire en quelle année Anna vint nous rejoindre à Uzès, que sans doute ma mère était heureuse de lui montrer ; mais ce dont je me souviens avec précision c’est de l’excursion que nous fîmes du pont Saint-Nicolas à tel village non loin du Gardon, où nous devions retrouver la voiture :

Aux endroits encaissés, au pied des falaises ardentes qui réverbéraient le soleil, la végétation était si luxuriante que l’on avait peine à passer. Anna s’émerveillait aux plantes nouvelles, en reconnaissait qu’elle n’avait encore jamais vues à l’état sauvage, — et j’allais dire : en liberté — comme ces triomphants daturas qu’on