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M. Bureau au Muséum, et elle accompagnait au printemps les herborisations organisées par M. Poisson, son assistant. Je n’ai garde d’oublier ces noms qu’Anna citait avec vénération et qui s’auréolaient dans mon esprit d’un grand prestige. Ma mère, qui voyait là une occasion de me faire prendre de l’exercice, me permettait de me joindre à ces excursions dominicales qui prenaient pour moi tout l’attrait d’une exploration scientifique. La bande des botanistes était composée presque uniquement de vieilles demoiselles et d’aimables maniaques ; on se rassemblait au départ d’un train ; chacun portait en bandoulière une boîte verte de métal peint où l’on couchait les plantes que l’on se proposait d’étudier ou de faire sécher. Quelques uns avaient en plus un sécateur, d’autres un filet à papillons. J’étais de ces derniers, car je ne m’intéressais point tant alors aux plantes qu’aux insectes, et plus spécialement aux coléoptères, dont j’avais commencé de faire collection ; et mes poches étaient gonflées de boîtes et de tubes de verre où j’asphixiais mes victimes dans les vapeurs de benzine ou le cyanure de potassium. Cependant je chas-