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magnifiés les humbles. Je ne me suis jamais senti grand goût pour portraire les triomphants et les glorieux de ce monde, mais bien ceux dont la plus vraie gloire est cachée.

Je ne sais quels revers précipitèrent du fond de l’Écosse sur le continent les enfants Shackleton. Le pasteur Roberty, qui lui-même avait épousé une Écossaise, connaissait, je crois, cette famille et c’est lui, sans doute, qui recommanda l’aînée des filles à ma grand’mère. Tout ce que je vais redire ici, je ne l’appris, il va sans dire, que longtemps ensuite, par ma mère elle-même, ou par des cousins plus âgés[1].

C’est proprement comme gouvernante de ma mère que Mademoiselle Shackleton entra dans notre famille. Ma mère allait bientôt atteindre l’âge d’être mariée ; il parut à plus d’un qu’Anna Shackleton, encore jeune elle-même et, de plus, extrêmement jolie, pourrait faire tort à son élève. La jeune Juliette Rondeaux était du reste, il faut le reconnaître, un sujet quelque peu décourageant. Non seulement elle se retirait

  1. Voir appendice.