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quelques kilomètres de Rouen. Et à côté du magasin, ou plus proprement de la salle de dépôt, il y avait un petit bureau, dont l’accès était également défendu aux enfants, et qui du reste se défendait bien tout seul par son odeur de vieux cigarre, son aspect sombre et rébarbatif. Mais combien la maison, par contre, était aimable !

Dès l’entrée, la clochette au son doux et grave semblait vous souhaiter bon accueil. Sous la voûte, à gauche, la concierge, de la porte vitrée de sa loge exhaussée de trois marches, vous souriait. En face s’ouvrait la cour, où de décoratives plantes vertes, dans des pots alignés contre le mur du fond, prenaient l’air, et, avant d’être ramenées dans la serre du Houlme, d’où elles venaient et où elles allaient refaire leur santé, se reposaient à tour de rôle de leur service d’intérieur. Ah ! que cet intérieur était tiède, moite, discret et quelque peu sévère, mais confortable, honnête et plaisant. La cage d’escalier prenait jour par en bas sous la voûte, et tout en haut par un toit vitré. À chaque palier, de longues banquettes de velours vert, sur lesquelles il faisait bon s’étendre à plat ventre pour lire. Mais