Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/277

Cette page n’a pas encore été corrigée

préférence dans le plus touffu du taillis. Les traités « de la concupiscence », « de la connaissance de Dieu et de soi-même », etc. furent mis en coupes réglées ; férus de grandiloquence, nous pensions cheminer terre à terre, tant que nous n’avions pas perdu pied ; nous élaborions d’abstruses gloses, des paraphrases qui me feraient rougir aujourd’hui si je les revoyais, mais qui tout de même nous bandaient l’esprit, et dont surtout était ridicule la satisfaction de nous-mêmes que nous y puisions.

J’achève avec Lionel, car notre belle amitié n’eut pas de suites, et je n’aurai pas l’occasion d’y revenir. Nous continuâmes de nous voir encore quelques années, mais avec de moins en moins de joie. Mes goûts, mes écrits lui déplaisaient et lui devinrent à scandale ; il tenta de m’amender d’abord, puis cessa de me fréquenter. Il était, je crois, de cette famille d’esprits qui ne sont susceptibles que d’amitiés dévalantes, je veux dire : accompagnées de condescendance et de protection. Même au plus chaud de notre passion il me faisait sentir que je n’étais pas né comme lui. La correspondance du comte de Montalembert avec son ami