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(j’ai dit que c’était le salon) se trouvait la bibliothèque, une vaste pièce carrée, aux murs tapissés de livres, où la Grande Encyclopédie avoisinait les œuvres de Corneille. A portée de la main, elle s’ouvrait aux curiosités de l’enfant ; dès que Lionel savait trouver déserte la pièce, il y fouillait éperdument. Un article menait à l’autre ; tout y était présenté avec vivacité, agrément et vigueur ; ces impertinents esprits forts du XVIIIe siècle s’entendaient admirablement à amuser, à étonner et à distraire en instruisant. Quand nous traversions la pièce, Lionel me poussait du coude (le dimanche il y avait toujours du monde à côté) et d’un clin d’œil m’indiquait les fameux bouquins, que je n’eus jamais l’heur de toucher. Du reste, d’esprit plus lent que Lionel, ou plus occupé, j’étais beaucoup moins curieux que lui de ces choses — on a compris de quoi je veux parler ; et lorsque ensuite il me racontait ses explorations au travers du dictionnaire, me faisait part de ses découvertes, je l’écoutais, mais plus ahuri qu’excité ; je l’écoutais, mais je ne l’interrogeais point. Je ne comprenais rien à demi-mot, et, l’an suivant encore, comme Lionel me racon-