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et certainement son prestige s’aggravait du poids conscient de ce passé.

En plus de Monsieur de R…, tout le monde dans la famille s’occupait plus ou moins de politique. Lionel, dans sa chambre, me faisait me découvrir devant une photographie du duc d’Orléans (je ne savais, alors, absolument pas qui c’était). Son frère aîné, qui travaillait l’opinion dans un département du midi, s’était fait blaquebouler et reblaquebouler aux élections. Le facteur apportait de Lisieux le courrier ; il arrivait pendant qu’on était à table ; chacun, grand ou petit, s’emparait aussitôt d’un journal ; on arrêtait de manger et, durant un long temps, sur tout le tour de la table l’invité que j’étais ne voyait plus un visage.

Le dimanche matin, dans le salon, Madame de R… faisait le culte ; auquel assistaient parents, enfants et serviteurs. Lionel, d’autorité, me faisait asseoir près de lui ; et, durant la prière, alors que nous étions agenouillés, il me prenait la main, qu’il gardait serrée dans la sienne, comme pour offrir à Dieu notre amitié.

Pourtant Lionel ne respirait pas toujours le sublime. À côté de la salle de culte