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nous retrouver ouvertement le dimanche, jour où 1l était convenu que je goûtais à Blancmesnil, nous nous donnions de vrais rendez-vous d’amoureux, auxquels nous courions furtivement, le cœur battant et la pensée frémissante. Nous avions convenu d’une cachette, qui nous pût servir de poste restante ; pour savoir où et quand nous retrouver, nous échangions des lettres bizarres, mystérieuses, cryptographiées et qu’on ne pouvait lire qu’à l’aide d’une grille ou d’une clef. La lettre était déposée dans un coffret clos, lequel se dissimulait dans la mousse, à la base d’un vieux pommier, dans un pré à l’orée du bois, à mi-distance exactement entre nos deux demeures. Sans doute il entrait de la simagrée dans l’exagération de nos sentiments l’un pour l’autre, et comme eût dit La Fontaine « un peu de faste », mais nullement d’hypocrisie, et après que l’un à l’autre nous eûmes fait serment d’amitié fidèle, je crois que, pour nous joindre, nous aurions traversé le feu. Lionel me persuada qu’un pacte aussi solennel nécessitait un gage ; il rompit en deux un fleuron de clématite, m’en remit une moitié, garda l’autre, qu’il jura de porter