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sorte de résidence particulière où chacun inviterait les trois autres qui apporteraient le goûter. Le sort me désigna le premier. J’avisai pour mon installation un bloc calcaire énorme, blanc, lisse et de fort bel aspect, mais perdu dans un fouillis d’orties, que je ne pus traverser que par un bond énorme, en m’aidant d’une perche et prenant un formidable élan. Je baptisai le Pourquoi pas mon beau domaine. Puis m’assis sur le bloc comme sur un trône, et j’attendis mes invités. Ils s’amenèrent enfin, mais quand ils virent le rempart d’orties qui me séparait d’eux, ils poussèrent les hauts cris. Je leur tendis la perche qui m’avait servi, afin qu’ils sautassent à leur tour ; mais ils ne s’en furent pas plus tôt saisis en riant, qu’ils s’enfuirent à toutes jambes, emportant et perche et goûter, m’abandonnant dans ce diable de retiro d’où, sans élan, j’eus le plus grand mal à sortir.

Armand Bavretel ne vint passer chez nous que deux étés. L’été de 84, mes cousines ne vinrent pas non plus, ou que peu de temps, et, me trouvant seul à La Roque, je fréquentai davantage Lionel. Non contents de