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plombait, faisait de son mieux pour éclairer mon goût, mon jugement, et les siens propres. Si nous allions voir une exposition de tableaux — et nous ne manquions aucune de celles que le Temps voulait bien nous signaler — ce n’était jamais sans emporter le numéro du journal qui en parlait, ni sans relire sur place les appréciations du critique, par grand peur d’admirer de travers, ou de n’admirer pas du tout. Pour les concerts, le resserrement et la timide monotonie des programmes d’alors laissaient peu de champ à l’erreur ; il n’y avait qu’à écouter, qu’à approuver, qu’à applaudir.

Maman me menait chez Pasdeloup à peu près tous les dimanches ; un peu plus tard nous prîmes un abonnement au Conservatoire où, deux années de suite, nous allâmes ainsi, de deux dimanches l’un. Je remportais de certains de ces concerts des impressions profondes, et ce que je n’étais pas d’âge encore à comprendre (c’est en 79 que maman commença de m’y mener) n’en façonnait pas moins ma sensibilité. J’admirais tout, à peu près indifféremment, comme il sied à cet âge, sans choix presque, et par urgent besoin d’admirer : la Symphonie en