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comptais que ce que je rappellerais d’elle en cours de route allait la peindre suffisamment ; mais je crains d’avoir bien imparfaitement laissé voir la personne de bonne volonté qu’elle était (je prends ce mot dans le sens le plus évangélique). Elle allait toujours s’efforçant vers quelque bien, vers quelque mieux et ne se reposait jamais dans la satisfaction de soi-même. Il ne lui suffisait point d’être modeste ; sans cesse elle travaillait à diminuer ses imperfections, ou celles qu’elle surprenait en autrui, à se corriger, à s’instruire. Du vivant de mon père, tout cela se soumettait, se fondait dans un grand amour. Son amour pour moi était sans doute à peine moindre, mais toute la soumission qu’elle avait professée pour mon père, à présent, c’est de moi qu’elle l’exigeait. Des conflits en naissaient, qui m’aidaient à me persuader que je ne ressemblais qu’à mon père ; les plus profondes similitudes ancestrales ne se révèlent que sur le tard.

En attendant, ma mère, très soucieuse de sa culture et de la mienne, et pleine de considération pour la musique, la peinture, la poésie et en général tout ce qui la sur-