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ger moi-même, tout seul, à ma façon.

Puis, rappelant à lui son aménité, il avait persuadé ma mère que l’écran lui faisait beaucoup de plaisir, mais qu’il le préférait dans le salon.

Depuis la mort de mon père nous dînions tous les dimanches avec ma tante Claire et Albert ; nous allions chez eux et ils venaient chez nous, alternativement ; on n’enlevait pas les housses pour eux. Après le repas, tandis que nous nous mettions au piano, Albert et moi, ma tante et ma mère s’approchaient de la grande table, éclairée par une lampe à huile que coiffait un de ces abat-jour compliqués comme on en faisait alors ; je crois qu’on n’en voit plus de pareils aujourd’hui ; une fois par an, à même époque, nous allions en choisir un nouveau, maman et moi, chez un papetier de la rue de Tournon qui en avait un grand choix ; dans leur carton opaque, des gaufrures savantes et des crevés laissaient passer des onglets de lumière à travers des papiers très minces et diversement colorés ; c’était proprement enchanteur.

La table du salon était couverte d’un épais tapis de velours, marginé d’une très