Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/256

Cette page n’a pas encore été corrigée

Sapho de Pradier. Que dirai-je du lustre et des appliques ? J’ai fait un grand pas dans l’émancipation de ma pensée, le jour où j’osai me persuader que tous les lustres de tous les salons « comme il faut » n’étaient pas forcément en girandoles de cristal, comme ceux-ci.

Devant la cheminée, un écran en tapisserie de soie présentait, sous des églantines, une espèce de pont chinois dont les bleus me sont restés dans l’œil ; des pendeloques agrémentaient la monture de bambou, balançant de droite et de gauche des glands de soie, du même azur que celui de la tapisserie, suspendus deux par deux à la tête et à la queue de poissons de nacre et retenus par des fils d’or. Il me fut raconté, plus tard, que ma mère l’avait brodé en secret dans les premiers temps de son mariage ; le regard de mon père, le jour de sa fête, avait été buter contre, en entrant dans son cabinet. Quelle consternation ! Lui, si doux, et qui adorait ma mère, 1l s’était presque fâché :

— Non, Juliette ! s’était-il écrié ; non, je vous en prie. Ici, je suis chez moi. Cette pièce au moins, laissez-moi l’arran-