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première leçon tout alla bien, la chaise tenait bon et résistait à l’oppression et à l’agitation de ce gros corps. Mais la fois suivante il se passa quelque chose d’épouvantable : la molesquine, amollie sans doute à la leçon précédente, commença de lui coller aux chausses. On ne s’en aperçut, hélas ! qu’à la fin de la séance, au moment qu’il voulut se lever. Vains efforts ! Il tenait à la chaise, et la chaise tenait à lui. Son mince pantalon (nous étions en été) si l’étoffe en était un peu mûre, le fond allait y rester, c’était sûr ; il y eut quelques secondes d’angoisse… Et puis, non ! sur un nouvel effort, ce fut la molesquine qui céda, doucement, doucement, abandonnant du sien, comme par conciliation. Je maintenais la chaise, encore trop consterné pour oser rire ; lui, tirait de l’avant, disait :

— Mon Dieu ! Mon Dieu ! qu’est-ce que c’est encore que cette invention d’enfer ? — et tâchait, par-dessus son épaule, de surveiller le décollement, ce qui rendait sa face plus rouge encore.

Tout se passa sans déchirure, heureusement, et sans dommage, que pour la molesquine dont il emportait avec lui tout