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eût-il été question ?) mais non plus seulement à ma mémoire ou à mon jugement. À cet âge de développement, de souplesse et d’assimilation, quels progrès n’eussé-je point faits, si ma mère m’avait aussitôt confié au maître incomparable que fut pour moi, un peu plus tard (trop tard, hélas !) M. de la Nux. Hélas ! après deux ans d’ânonnements mortels, je ne fus délivré de Merriman que pour tomber en Schifmacker.

Je reconnais qu’en ce temps il n’était pas aussi facile qu’aujourd’hui de trouver un bon professeur ; la Schola n’en formait pas encore ; l’éducation musicale de la France entière restait à faire, et, de plus, le milieu où fréquentait ma mère n’y entendait à peu près rien. Ma mère indéniablement faisait de grands efforts pour s’instruire elle-même et m’instruire ; mais ses efforts étaient mal dirigés. Schifmacker lui était chaudement recommandé par une amie :

— Croiriez-vous, disait-elle à ma mère, qu’il a su m’y faire prendre goût ? À la musique ! Un homme extraordinaire, je vous dis. Essayez-en.

Le premier jour qu’il vint chez nous, il