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s’additionnaient ; il faisait la vérification du morceau. Assurément il aurait pu m’entraîner pour le mécanisme ; mais il ne prenait aucun plaisir à enseigner. Avec lui, la musique devenait un pensum aride ; ses maîtres étaient Cramer, Steibelt, Dusseck, du moins ceux dont il préconisait pour moi la férule. Beethoven lui paraissait libidineux. Deux fois par semaine, il venait, ponctuel ; la leçon consistait dans la répétition monotone de quelques exercices, et encore point des plus profitables pour les doigts, mais des plus niaisement routiniers ; quelques gammes, quelques arpèges, puis je commençais de rabacher « les huit dernières mesures » du morceau en cours, c’est-à-dire les dernières étudiées ; après quoi, huit pas plus loin, il faisait une sorte de grand V au crayon, marquant la besogne à abattre, comme on désigne dans une coupe de bois les arbres à exécuter ; puis disait en se levant, tandis que sonnait la pendule :

— Pour la prochaine fois, vous étudierez les huit mesures suivantes.

Jamais la moindre explication. Jamais le moindre appel, je ne dis pas à mon goût musical ou à ma sensibilité (comment en