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répétais après Monsieur Richard la tirade fameuse du Marquis de Saint-Vallier

Dans votre lit, tombeau de la vertu des femmes
Vous avez froidement, sous vos baisers infâmes
Terni, flétri, souillé, déshonoré, brisé,
Diane de Poitiers, Comtesse de Brézé.

Qu’on osât écrire ces choses ; et en vers encore ! voici qui m’emplissait de stupeur lyrique. Car ce que j’admirais surtout en ces vers, c’était assurément la hardiesse. Le hardi, c’était de les lire à treize ans.

Devant mon émotion, et constatant que je vibrais comme un violon, Monsieur Richard résolut de soumettre ma sensibilité à de plus rares épreuves. Il m’apporta les Blasphèmes de Richepin et, les Névroses de Rollinat, qui étaient à ce moment ses livres de chevet, et commença de me les lire. Bizarre enseignement !

Ce qui me permet de préciser la date de ces lectures, c’est le souvenir exact du lieu où je les fis. Monsieur Richard, avec qui je travaillai trois ans, s’installa au centre de Paris l’hiver suivant ; le Roi s’amuse, les Névroses et les Blasphèmes ont pour décor la petite orangerie de Passy.