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— Qu’est-ce que vous apportez, Monsieur ?

— De l’eau bouillante.

— Pour quoi faire ?

— Les échauder, vos sales bêtes.

— Oh ! Monsieur Richard, je vous en prie ! Je vous en supplie. Justement je crois qu’elles viennent d’avoir des petits…

— Raison de plus.

Et c’est moi qui les avais livrées ! Décidément j’aurais dû lui demander d’abord s’il aimait les animaux… Pleurs, supplications, rien n’y fit. Ah ! quel homme pervers ! Je crois qu’il ricanait en vidant sa bouillotte dans le trou du mur ; mais j’avais détourné les yeux.

J’eus du mal à lui pardonner. À vrai dire il parut un peu surpris ensuite, devant le grand chagrin que j’en avais ; il ne s’excusa pas précisément, mais je sentais percer un peu de confusion dans l’effort qu’il faisait pour me démontrer à quel point j’étais ridicule, et que ces petits animaux étaient affreux, et qu’ils sentaient mauvais, et qu’ils faisaient beaucoup de mal ; surtout ils m’empêchaient de travailler. Et comme Monsieur Richard n’était pas incapable de