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enfin si bien rassurées qu’elles venaient grignoter les miettes sur la table même où je travaillais. Elles n’étaient que deux ; mais je me persuadai que l’une des deux était pleine, de sorte que, chaque matin, avec des battements de cœur j’espérais l’apparition des souriceaux. Il y avait un trou dans le mur ; c’est là qu’elles rentraient quand approchait Monsieur Richard ; c’est là qu’était leur nid ; c’est de là que je m’attendais à voir sortir la portée ; et du coin de l’œil je guettais tandis que Monsieur Richard me faisait réciter ma leçon ; naturellement je récitais fort mal ; à la fin Monsieur Richard me demanda d’où venait que je paraissais si distrait. Jusqu’alors J’avais gardé le secret sur la présence de mes compagnes. Ce jour-là je racontai tout.

Je savais que les jeunes filles ont peur des souris ; j’admettais que les ménagères les craignissent ; mais Monsieur Richard était un homme. Il parut vivement intéressé par mon récit. Il me fit lui montrer le trou, puis sortit sans rien dire, en me laissant perplexe. Quelques instants après, je le vis revenir avec une bouillotte fumante. Je n’osais comprendre. Craintivement je demandai :