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appeler ainsi un appentis vitré, qui s’appuyait au mur aveugle d’une grande maison voisine, à l’extrémité du jardin.

A côté du pupitre où j’écrivais, végétait sur une planchette un glaïeul que je prétendais voir pousser. J’avais acheté l’oignon au marché de Saint-Sulpice et l’avais mis en pot moi-même. Un glaive verdoyant avait bientôt surgi de terre, et sa croissance de jour en jour m’émerveillait ; pour la contrôler, j’avais fiché dans le pot une baguette blanche sur laquelle, chaque jour, j’inscrivais le progrès. J’avais calculé que la feuille gagnait trois cinquièmes de millimètres par heure, ce qui tout de même, avec un peu d’attention, devait être perceptible à l’œil nu. Or j’étais tourmenté de savoir par où le développement se faisait. Mais j’en venais à croire que la plante donnait d’un coup toute sa poussée dans la nuit, car j’avais beau rester les yeux fixés sur la feuille… L’observation des souris était infiniment plus récompensante. Je n’étais pas depuis cinq minutes devant un livre ou mon glaïeul, que gentiment elles accouraient me distraire ; chaque jour je leur apportais des friandises, et je les avais