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les cœurs ; mais un sourire tempérait ses propos les plus austères, mi-triste et mi-amusé, et je crois presque involontaire, à quoi l’on comprenait qu’il ne se prenait pas lui-même bien au sérieux. Il avait toutes sortes de qualités, de vertus même, mais rien dans son personnage ne paraissait ni tout à fait valide, ni solidement établi ; il était inconsistant, flâneur, prêt à blaguer les choses graves et à prendre au sérieux les fadaises — défauts auxquels, si jeune que je fusse, je ne laissais pas d’être sensible et que je jugeais en ce temps avec peut-être encore plus de sévérité qu’aujourd’hui. Je crois que sa belle-sœur, la veuve du général Bertrand, qui vivait avec nous rue Raynouard, n’avait pas pour lui beaucoup de considération ; et cela m’en donnait beaucoup pour elle. Femme de grand bon-sens et qui avait connu des temps meilleurs, il me paraît qu’elle était la seule personne raisonnable de la maison ; avec cela beaucoup de cœur, mais ne le montrant qu’à la meilleure occasion. Madame Richard avait autant de cœur qu’elle sans doute ; même on eût dit qu’elle en avait davantage, car, de bon-sens aucun, il n’y avait jamais que