Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/219

Cette page n’a pas encore été corrigée

que maman avait eu l’idée de me confier à lui ? Il occupait, dans la rue Raynouard, au no 12 je crois, une maison vieillotte, à deux étages, flanquée d’un jardin pas très grand mais qui formait terrasse et d’où l’on dominait la moitié de Paris. Tout cela existe encore ; pour peu d’années sans doute, car le temps est loin où une modeste famille de professeur choisissait la rue Raynouard pour des raisons d’économie. M. Richard ne donnait alors de leçons qu’à ses pensionnaires, c’est-à-dire qu’à moi et qu’à deux demoiselles anglaises qui, je crois, payaient surtout pour le bon air et la belle vue. M. Richard n’était que professeur in partibus ; ce ne fut que plus tard, ayant passé son agrégation, qu’il obtint un cours d’allemand dans un lycée. C’est au pastorat qu’il se destinait d’abord et pourquoi il avait fait, je pense, d’assez bonnes études, car il n’était ni paresseux, ni sot ; puis des doutes ou des scrupules (les deux ensemble plus vraisemblablement) l’avaient arrêté sur le seuil de l’église. Il gardait de sa première vocation je ne sais quelle onction du regard et de la voix, qu’il avait naturellement pastorale, je veux dire propre à remuer