Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/212

Cette page n’a pas encore été corrigée

non : il faut vite que je les dise avant de déménager. Je m’’étais fait donner pour mes étrennes le gros livre de chimie de Troost. Ce fut ma tante Lucile qui me l’offrit ; ma tante Claire, à qui je l’avais d’abord demandé trouvait ridicule de me faire cadeau d’un livre de classe ; mais je criai si fort qu’aucun autre livre ne pouvait me faire plus de plaisir, que ma tante Lucile accéda. Elle avait ce bon esprit de s’inquiéter, pour me contenter, de mes goûts plus que des siens propres, et c’est à elle que je dus également, quelques années plus tard, la collection des Lundis de Sainte-Beuve, puis la Comédie Humaine de Balzac. Mais je reviens à la chimie.

Je n’avais encore que treize ans, mais je proteste qu’aucun étudiant jamais ne plongea dans ce livre avec plus d’avidité que je ne fis. Il va sans dire, toutefois, qu’une partie de l’intérêt que je prenais à cette lecture pendait aux expériences que je me proposais de tenter. Ma mère consentait à ce que cette office y servit, qui se trouvait à l’extrémité de notre appartement de la rue de Tournon, à côté de ma chambre, et où j’élevais des cochons de Barbarie.