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compris qu’il était mort, qu’un océan de chagrin déferla soudain dans mon cœur. Maman me prit alors sur ses genoux et tâcha de calmer mes sanglots ; elle me dit que chacun de nous doit mourir ; que le petit Emile était au ciel où il n’y a plus ni larmes ni souffrances, bref, tout ce que sa tendresse imaginait de plus consolant ; rien n’y fit, car ce n’était pas précisément la mort de mon petit cousin qui me faisait pleurer, mais je ne savais quoi, mais une angoisse indéfinissable et qu’il n’était pas étonnant que je ne pusse expliquer à ma mère, puisqu’encore aujourd’hui je ne la puis expliquer mieux. Si ridicule que cela doive paraître à certains, je dirai pourtant que, plus tard, en lisant certaines pages de Schopenhauer, Il me sembla tout à coup la reconnaître. Oui vraiment, pour comprendre [1].......... ................ c’est le souvenir de mon premier schaudern à l’annonce de cette mort que, malgré moi, et tout irrésistiblement, j’évoquai.

  1. Je renonce à citer ; ce serait beaucoup trop long.