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de se réduire. Depuis la mort de papa, ma tante Claire avait pris ascendant sur ma mère. (Elle était son ainée de beaucoup.) Elle lui disait sur un ton tranchant et avec une moue qui lui était particulière :

— Oui, l’étage, passe encore. On peut consentir à monter. Mais, quant à l’autre point, non Juliette ; je dirai même : absolument pas. — Et elle faisait du plat de la main un petit geste en biais, net et péremptoire qui mettait la discussion au cran d’arrêt.

Cet «autre point», c’était la porte cochère. Il pouvait paraître à l’esprit d’un enfant que, ne recevant guère et ne roulant point carrosse nous-mêmes, la porte cochère fût chose dont on aurait pu se passer. Mais l’enfant que j’étais n’avait pas voix au chapitre ; et du reste que pouvait-on trouver à répliquer, après que ma tante avait déclaré :

— Ce n’est pas une question de commodité, mais de décence :

Puis, voyant que ma mère se taisait, elle reprenait plus doucement, mais d’une manière plus pressante :

— Tu te le dois ; tu le dois à ton fils.